Une huile sur cuivre, de petites dimensions (30 x 25 cm), réalisée vers 1608, actuellement conservée au Musée du Prado à Madrid. » Ceux de mes lecteurs que le sujet intéresse peuvent se reporter à l'étude de l'ethnologue Max Caisson, "Guerre encore entre le stellion et l'araignée", in Mots et mythes. Les images associées au bonheur sont celles du « grenier Â», des céréales, « blé ou seigle Â», « du dernier sac monté Â», de « l’odeur de la paille sèche Â», de « la lumière Â» et « des étés tamisés par les tuiles chaudes Â» et, plus loin, de « la montagne autour de nous Â». Ce souvenir, d’une très grande intensité émotionnelle, continue d’habiter le poète. Incapable de lui dire la force de ses sentiments, il lui fait don de son désespoir. Les trois acteurs du rêve S’agit-il d’un breuvage magique, d’un poison ? » Des formes féminines surgissent aussitôt. La musicalité du poème semble s’être déplacée de la rime vers un ailleurs dont il faut se mettre à l’écoute. Un silence pourtant empli de résonances muettes, que le passeur semble avoir perçues. À cette atmosphère de chaleur, de « jeu d’ombres léger Â», de sensations multiples, s’ajoute le souvenir de rêves et de réveils partagés : « et je me tourne encore/Vers celle qui rêva à côté de moi Â». 5. L’ensemble de ces trois recueils forme un tout. L’enfant, lui, gagné par la générosité des hommes du terroir et empli d’« espérance Â» se livre à une offrande: « Je dédiais mes mots aux montagnes basses Â». Le « chemin Â» au « chardon bleu Â» Le châtiment donné à l’enfant est à la hauteur de la blessure éprouvée par Cérès. Loin d’être angoissé par le danger qui le guette, l’enfant semble absent à la réalité qui l’environne. » Dans son insouciance ludique, il s’est changé en chapardeur d’« une grappe trop lourde Â». Ten years later, in 1981, The French Academy gave him its grand prize, which was soon followed by the Goncourt Prize for Poetry in 1987. 2. À la croisée des chemins « dans la nuit profonde Â», l’enfant fait le choix, lui, de la pitié pour celle dont il vient enfin de comprendre qui elle est et ce qu’elle veut lui transmettre. 4. Ici cette incapacité touche à ce qu’il a de plus profond en lui. Pourtant, consentant à l’abandon, au sommeil et aux rêves, désireux d’ouvrir « les yeux à d’autres lumières Â», Ulysse risquait d’oublier « de replonger sa rame dans la nuit Â». « L’enfant les voit, les regarde Â». Itinérance dans La Maison natale Les limites entre les mondes fusionnent sans que cela pose de problème de sens. L’enfant, lui, se trouve sur le seuil, à mi-distance entre les rumeurs du monde des vivants et les rumeurs du monde des morts. Un homme et un enfant évoluent ensemble, depuis leur rencontre jusqu’à leur disparition. Au moment où s’ouvre le recueil de La Maison natale, le poète se trouve sur cette lisière spatio-temporelle indécise, indéfinissable, cet entre-deux qui suit le rêve et précède immédiatement la phase de l’éveil. Il fait des études de mathématiques et de philosophie à l'université de Poitiers puis à La Sorbonne où il reçoit notamment l'enseignement de Gaston Bachelard. L'ensemble de son œuvre poé­tique consti­tue un impor­tant pano­ra­ma de la lit­té­ra­ture fran­co­phone et mon­diale. LES PLANCHES COURBES Posted on 14 décembre 2011 de Yann / Un commentaire . Mais il est aussi celui que le géant sauve du fleuve. D’autres questions se posent. Ici, dans le poème VII, seuls ses outils de jardinier, bêche et pioche, ont à voir avec le monde concret qui est le sien. L’enfant cherche à comprendre et il n’y parvient pas. Peut-être faut-il se garder des mots, qui sont impuissants et trompeurs ? Le poète procède ensuite à un élargissement de son explication en jouant paradoxalement sur les restrictions. L’expression temporelle « une autre fois Â», qui marque le début du quatrième rêve, ou le vers: « Il faisait nuit, encore Â», indiquent bien la réitération du même, l’appartenance de ce récit au même monde onirique. « Réelle …la voix Â», « Réel, seul, le frémissement de la main… Â», « réelles, seules, ces barrières qu’on pousse dans la pénombre… Â». Dans ce contexte familial très triste, où domine l’incommunicabilité, l’enfant pourra-t-il s’épanouir ? Il leur fait traverser l’Achéron, fleuve des Enfers, moyennant une obole, pareille à « la petite pièce de cuivre Â» que l’enfant tient « serrée dans sa main Â». Jusqu’au jour qui éclate dans la seconde laisse, séparée de la précédente par un blanc : « Après quoi il fit jour. Yves Bonnefoy Du mouvement et de l'immobilité de Douve Mercure de France Paris 1953 repris dans Poèsie Gallimard. 464 pages EAN 9782020992169. Toujours en suspens sur le seuil incertain du réveil et du rêve, l’enfant voit surgir la seconde maison natale, arche de Noé enveloppée par le déluge. Il en est la dynamique nécessaire. Yves Jean Bonnefoy (24 June 1923, Tours – 1 July 2016 Paris) was a French poet and art historian. Dans la confrontation avec la mort qui se rapproche, « masse d’eau qui de nuit en nuit dévale avec grand bruit dans notre avenir. Identité ou nouveauté : « rive nouvelle Â», « autre terre Â» ou au contraire « même monde Â» ? Avant même d’ouvrir le recueil, le lecteur s’interroge sur le titre et sur son sens : qu’appelle-t-on des « planches courbes Â» ? Dans l’univers du rêve, intérieur/extérieur se mêlent. C’est au cœur de cette perplexité que surgit la figure réconfortante de l’enfant. Il évoque cette apparition en reprenant certains motifs : « la nuit Â», « la porte Â», « dehors Â», la «  beauté Â», la « lumière Â», puis l’avidité à boire. Jusqu’alors inclus dans un « nous Â» qui l’unissait aux autres hommes, le poète se détache ici en tant que « je Â» pour prendre en charge progressivement son rapport à la poésie. » La poésie affirme ici, dans le dialogue qu’elle entretient avec le poète, son rôle fondateur. Au-delà de cette demande d’hospitalité, ce qui transparaît, c’est l’expression d’un désir. Au mystère de la figure paternelle viennent se superposer d’autres mystères fortement liés à l’enfance. De même que le Grand Larousse de la langue française et le TLFi. Accueil 464 pages EAN 9782020992169. Yves Bonnefoy prend peut-être modèle sur les apologues de Baudelaire (ex : « Chacun sa chimère ») où le fabuliste exprime une vision très personnelle et n’emprunte pas une persona rhétorique. Placé en tête de vers, l’infinitif anaphorique martèle la laisse comme la rame martèle la vague de son rythme régulier. Pourtant, alors même que les conditions semblent réunies pour donner au langage la possibilité de se métamorphoser en poésie, l’inspiration semble se dérober : « La voix que j’écoute se perd... Â». Il faudra attendre le dernier poème pour voir l’enfant élucider et l’énigme de Cérès et sa propre énigme. Un chemin qui semble réel avec son paysage de bords de mer, ses « dunes Â» et ses « sables Â»; sa végétation de « bruyères Â» et son « chardon bleu Â». Il parle de lui à la troisième personne: « l’enfant Â», « son fils Â». Cependant ce visage « riant Â» semble posséder toujours les mêmes caractéristiques de « douceur Â». Il entre confiant dans le rêve. » Dans la quête de filiation de l’enfant, il y a du désarroi et du désir. Mais l’enfant s’obstine à garder le visage collé aux planches. La première concerne l’enfant : « confions-le à la bienveillance du soir d’été Â». Le bonheur passe par la reconnaissance sensorielle des choses simples. Le bonheur de ces jours heureux de plénitude et d’adéquation au monde s’accompagne aussi de la capacité du poète à goûter « la majesté des choses simples Â», « les tuiles chaudes Â» et « la montagne autour de nous. Son premier recueil, Du mouvement et de l’immobilité de Douve, a été suivi par de nombreux autres. » Mais, jalouse peut-être, Vénus veille à ce que le navigateur ne s’abandonne pas trop longtemps « sur la couche de son plaisir Â». Ambiguïtés du rêve « Les nageurs qui, dans la nuit,/Se portent vers le navire Â» soutiennent « des lampes, aux longues banderoles de couleur Â». La maison est saccagée par le désordre « les miroirs/Amoncelés partout Â». Lecture analytique des Planches courbes d'Yves Bonnefoy. Exacte symétrie du célèbre oxymore de Corneille: « Cette obscure clarté qui tombe des étoiles Â» (Le Cid). DANS LE LEURRE DES MOTS Quel lien l’enfant a-t-il avec cette femme ? Retour à l' index des auteurs. L’avancée dans le rêve Le front, les yeux contre ses planches courbes À côté de la vieille femme (Mismé) se trouve un jeune garçon (Ascalabos) qui montre du doigt la déesse et rit avec impudence de son avidité. Un rivage ultime. LA MAISON NATALE 9. Cela implique aussi que l’enfant a perçu la similitude de la situation du passeur avec la sienne. Le père est désigné tout au long de cet épisode par le pronom personnel « il Â». « Le sommeil d’été cette année encore Â» (v. 1) qui féconde la venue à l’écriture. 8. 2. Une douceur qui contraste étrangement avec la violence du monde dans lequel surgit ce visage : « D’une douceur de plus et autrement que ce qu’est le monde Â». Il semble qu’il en connaisse déjà les rives. Ce qui caractérise la description du père, ce sont les assonances en [ã], réparties sur les participes présents et les adverbes : « Avançant lentement, tant de fatigue/Alourdissant ses gestes d’autrefois Â». C’est à l’âge de 13 ans que le futur poète est confronté à la mort par la disparition de son père Elie en 1936. Bien frugal rayonnant sur une orangerie. 5. C’est du moins ce qu’elle a cru. LA MAISON NATALE Il en comprend le langage. Seuil temporel aussi, le temps s’arrête et prend soudain une autre forme – peut-être celle de la vague ? Le rossignol, symbole chez les anciens (Ovide, Métamorphoses, VI) de l’inspiration poétique, lui a ouvert la voix/voie ! PREMIER VOLET Le désir de l’enfant d’instaurer un lien fort avec son père, s’avère être un leurre. • Cérès réhabilitée. Le poète donne alors la parole à la poésie. Confrontations Yves Bonnefoy partage avec Philippe Jaccottet et d'autres poètes de la même génération le souci de ne pas se laisser leurrer par les jeux ou les facilités du langage, par le désir de l'infini, par tout ce qui relève du magique ou de l'angélique dans les discours sur la poésie, tels qu’ils demeurent plus ou moins tributaires d'une mythologie romantique de l'acte créateur. Elle a à voir avec l’exil et la douleur. Lire Les Planches courbes sans s’interroger sur Cérès, c’est faire l’impasse sur l’une des figures mythiques fondamentales de l’œuvre de Yves Bonnefoy. Chacun est séparé de l’autre, contraint de n’habiter que son propre univers. Le passeur christophore * Le danger qui enserre la maison semble venir de l’extérieur. Pourtant, les désirs imaginés ne se sont pas réalisés, et le poète, qui se reconnaît dans Ulysse, affirme aussi sa différence – la sienne et celle des hommes - d’avec Ulysse. Ainsi, à trop se complaire dans les images narcissiques du rêve, le poète se noie dans les pièges d’un moi attaché à des présences illusoires. Le père apparaît en VII, les parents en VIII, la mère en IX. Ainsi la strophe six se ferme-t-elle sur une énigme, celle des mains qui peut-être « se tendent … pour prendre la corde que nous jetons, de notre nuit. Ce « vers extraordinaire Â» a marqué le poète qui le retranscrit dans la première strophe et développe dans la strophe suivante les réflexions qu’il suscite en lui. 2. Yves Bonnefoy, né à Tours le 24 juin 1923 et mort à Paris le 1er juillet 2016, est un poète, critique d'art et traducteur français. La rencontre Sens qu’il n’a pas eu besoin de déchiffrer, car il faisait partie de lui « depuis l’enfance Â». » 3. Il pénètre dans les pores du visage qui se couvre de taches. Mais que s’est-il passé entre eux ? L’autre s’adresse à lui-même : « Endormons-nous… Â». Débordants de choses fermées » (page 72). Berceau du rêve pour l’enfant, l’esquif s’estompe et passe au second plan: « c’est plutôt comme s’il se dissipait. Il est aussi le noeud d’une opposition qui le met en scène face aux hommes d’aujourd’hui. 8. Impliqué au cœur du texte, dans le tressage intime des vers, le rêve impose ses ambiguïtés, entre présence et absence : « Ãªtre et ne pas être Â» ; et ses hésitations : « Main qui hésite à toucher la buée Â». Un savoir qui porte sur une mission unique, à accomplir: « Et je savais que je n’aurais pour tâche/Que de me souvenir. Autrement dit, qui ne parle que d’elle, la maison des étés de Toirac. Le recueil des Planches courbes interroge le langage et, au-delà, est une interrogation sur la poésie. La troisième partie s'ouvre au recueil intégral en vue de prouver que Il joue à la fois sur le registre du réel - le vêtement - et sur celui de l’écran - la métaphore du « voile de l’eau Â». De s’interdire de vivre. Identité marquée en V par le premier vers: « Or, dans le même rêve Â». Surgissent avec elles les figures du père et de la mère, ou des deux parents ensemble : Entre les deux maisons se trouve une carte unique, la VI. La première strophe, construite sur sept vers, se répartit sur deux phrases qui se déroulent sur la lenteur. Pourtant, dans ce jeu de rencontre improbable, c’est la petite fille qui finalement l’emporte. Les cartes numérotées de VII à IX, renvoient à « La Maison natale Â» de la ville. Le cinquième rêve est un prolongement du rêve précédent. TROISIÈME POÈME Mais aussi par l’importance accordée à la figure du père. S’engage alors une discussion autour du père, dans laquelle le « géant Â» tente de proposer une approche de cet être à part. » Trop nombreuses aussi. Une continuité implicite est ainsi établie entre le monde onirique du premier poème et celui du second. « Mensonge Â», « illusion Â» ou « leurre Â» pour la plupart des hommes, la poésie est, pour l’aède de ces chants, le seul mot qui résiste au temps et aux « désastres Â». Divagations autour du titre du recueil La poésie est recommencement. Et l’image du miroir appelle celle du visage (cet autre rivage !). Si haute déjà l’eau dans la salle. La poésie inaugure la venue des images liées à l’enfance, elle se charge progressivement de l’imaginaire mythologique lié à l’enfance - Â« les ombres /Se groupant à l’avant Â» -, « le long voyage Â», « les arrivants Â», « le phare Â» qui grandit et qui brille… Riche de mystères et de contradictions, l’étoile permet la symbiose du ciel et de l’écume. Poet is a word one can use when speaking of others, if one admires them sufficiently. Par glissements analogiques en effet, les reflets de l’eau fusionnent avec ceux des miroirs. 3. Succession d’actions qui marquent l’engagement du géant auprès de l’enfant. Il fait don de sa poésie. Et « Dans le ciel illusoire des astres fixes Â», l’étoile est seule à « bouger Â». Le rêve est une seconde vie, « une vie dans la vie Â». • Les différents recueils ont-ils le même statut ? Ce mouvement vers l’autre se fait par le choix exclusif du réel. Il sait déchiffrer dans son visage l’expression de quelqu’un « absent de soi. À l’intérieur des Planches courbes se succèdent La Pluie d’été, La Voix lointaine, Dans le leurre des mots, La Maison natale, Les Planches courbes, L’Encore aveugle, Jeter des pierres. LA MAISON NATALE Pourtant, la synesthésie qui mêle sensations visuelles et auditives - Â« un bruit encore invisible Â» - est plutôt de celles qui caractérisent le rêve. Rimbaud Jean-Baptiste… 4,3 étoiles sur 5 13. Exprimés jusqu’alors métaphoriquement (la métaphore filée du bois et des branchages), ils deviennent dans le tercet final, des « voix Â», des « ombres Â», des « on Â» indéfinis qui poursuivent l’enfant, puis disparaissent, le laissant seul, exilé dans la vie. S’agissant du titre d’un recueil de poésie, ce titre sans prétention surprend. « L’eau qui étincelait sur les miroirs Â». Au spectacle visuel se substitue, dès le quatrième vers, un spectacle sonore, confus lui aussi. Ancrages Commentaire de texte de 2 pages en littérature : Yves Bonnefoy, Les planches Courbes. « dans cet espace sans fin de courants qui s’entrechoquent, d’abîmes qui s’entrouvrent, d’étoiles. Le récit de la partie de cartes se déroule sur une longue phrase de quatorze vers très peu ponctuée. Ouverture poétique dans laquelle s’élabore, au fil des laisses, ce qui semble être un art poétique, à la fois autorisation à l’écriture et hymne à la poésie. « Les pensées ajointées par l’espérance Â» restent en suspens. » On y retrouve la « petite salle à manger Â», le jardin avec son « pêcher Â», « la croisée Â». » Et il rejette, au dehors de lui, les raisons de son refus: « Et vois, d’ailleurs ! Elle n’a pas su protéger son enfant du désir « du dieu des morts Â». » Il lui faut se souvenir. 3. C’est à partir de ce lieu, autour de lui et des variations dont il fait l’objet, que s’organise l’itinéraire poétique du narrateur. La répétition de l’adverbe interrogatif « Comment Â» à trois vers d’intervalle montre l’insistance et l’urgence des questions posées. Cette interjection ouvre les strophes 3 et 5. Aujourd’hui, le terme désigne, dans les textes en vers libres, une strophe de plus de treize vers (avec ou sans assonances). À la question de l’enfant : « Un père, qu’est-ce que c’est ? Ainsi jusqu'à la mort, visages réunis. Car le souvenir du père, tel que l’enfant l’a surpris en ce matin d’été, lui est une souffrance. « Cris d’appels au travers des mots même sans réponse, Mais une autre cloison s’interpose qui sépare la « sans-visage Â» de l’enfant, empêche toute communication entre eux et interdit le passage de part et d’autre de la porte. Dispensatrice de commencement, la voix poétique, éphémère et fragile, est momentanément perdue. Par sa structure le poème X est proche du poème VII. Angèle Paoli/TdF, Retour au répertoire de mai 2006 Une façon pour le poète d’affirmer de manière claire et énergique sa position, dans la proximité du tutoiement : « Je prends le risque de m’adresser à toi, directement. La quête du partage, entreprise par l’enfant auprès du père et soldée dans l’indifférence (VII), semble se réaliser ici et prendre corps dans l’expérience : « J’aimais ces jours que nous avions Â». « Plus grand que le monde Â», à la fois noir et lumineux, le nautonier appartient au monde silencieux et immobile des morts. Le jeu de glissement des images La progression du rêve passe par le corps : « nos pieds nus Â», « nos pas Â», « nos chevilles Â». 5 Georges Blin en publiera ensuite un extrait dans la revue Commentaire4 où cette partie ne figurera pas, remplacée néanmoins par une définition aussi fulgurante que tourmentée : Être père implique aussi une stabilité, un ancrage : « Pour être père, il faut avoir une maison Â». La demande du poète va dans le sens de l’unification, de la pacification (« la quiétude de l’écume Â»), du fusionnel, qui s’accomplit dans le désir du même : « les mêmes étoiles qui s’accroissent dans le sommeil Â». Ainsi est-il passé de l’exaltation à l’angoisse. Spectateurs passifs, « nous regardons… toute une eau noire Â». Au seuil des Planches courbes Un recueil d’Yves Bonnefoy plonge le lecteur Dans le leurre du seuil et … Cette question implique que l’explication proposée par le géant a fait son chemin dans l’esprit de l’enfant et que l’enfant a investi le bon géant de toute sa confiance filiale. Faire qu’ils ne remontent dans ma parole. La fin du poème est matérialisée par un blanc, une coupure qui établit une séparation entre les trois derniers vers et le corps du texte. La mort/La poésie Le poète énumère les images porteuses de sens, « l’ancre  », « le bois Â», « l’étincelle Â», « la première parole Â», « le premier feu Â». « Peut-être que nos vies seront plus confiantes. Le père Dans sa « Lettre à John E. Jackson[1] », Yves Bonnefoy a raconté la genèse de Douve et, plus précisément, ce qu’il appelle « le passage vers les poèmes de Douve » : un récit abandonné en vue d’une reprise de « ce nom propre ». En même temps que l’enfant touche « les mèches désordonnées de la déesse Â», qu’il découvre « le voile de l’eau Â», l’enfant participe à l’évanescence du rêve, à son mystère. Yves Bonnefoy est professeur au Collège de France. Elle appartient à celui que le poète appelle le « passeur  Â». Par deux fois, le poète insiste sur ce qui constitue le spectacle auquel il assiste. Être père implique davantage que de ne s’éloigner « jamais d’un bord de la rive à l’autre  Â». Alors, silencieuse, invisible, la poésie met en place un espace-temps où ancrer les images. Qu'une place soit faite à celui qui approche, Personnage ayant froid et privé de maison . La vie semble suspendue au-dessus d’un gouffre invisible. ISBN 2-7152-2298-X 1. Un voyage au cœur du temps, un voyage au cœur des mots. C’est elle, « la première étoile Â», qui guide le héros, le rappelant sans cesse à son devoir. Une longue parenthèse qui se clôt sur ces quatre vers : Le poète Yves Bonnefoy est mort ce vendredi 1er juillet à l'âge de 93 ans. Un appel « simple Â» aux « choses proches Â». Le titre éponyme du recueil (Les Planches courbes, Mercure de France, 2001 ; Gallimard, Collection Poésie, premier dépôt légal en 2003) est un titre énigmatique qui prête à interrogation autant qu’à rêverie. Ambiguïtés de la maison natale Au seuil du voyage poétique se fait la demande. Sans doute celui, enveloppant, de la mort. » Une issue inespérée à l’enfermement dans lequel se trouvait jusqu’alors l’enfant. Émission diffusée sur la RTF le 07.05.1966. La réalité qui est la leur. La même silhouette que dans l’épisode VII se dessine. Le poème VII s’ancre dans le souvenir « Je me souviens Â». Répété trois fois sur cinq vers, l’adjectif « réel Â» est mis en relief à l’intérieur d’un long parallélisme où il apparaît deux fois accompagné de l’adjectif « seul Â». La vieille femme disparaît; il n’est plus question d’elle. L’enfant voudrait l’aider: « Je tournais la poignée Â». « Il faut oublier ces mots. Elle est placée sous le signe de la « lune » et de l’eau. Dans laquelle des mots se répondent en écho. Un poème où s’exprime le bonheur qui passe par l’expérience partagée. Le récit se déroule au présent : « j’écoute Â», « j’imagine Â», « je garde Â». Accepter de raviver les « cendres Â» et ce qui reste encore peut-être de « fièvre Â» et de « feu Â»! [10], Bonnefoy was honoured with a number of prizes throughout his creative life. Eurydice, est-ce toi ? La demande de l’enfant constitue une épreuve pour le « géant Â». Le châtiment de Cérès Le poète, rejetant toute idée de « moquerie Â» en appelle à la compassion : « Et pitié pour Cérès et non moquerie Â». Même dans les rêves ! 5. Car, au-delà des signes contenus dans les images, il y a la musique. Mais aussi dans ceux qui, comme lui, dépassant « leurs doutes et leurs peurs Â», s’en font les intercesseurs, « ceux qui cherchent/À faire être le sens malgré l’énigme Â». Les rainettes, le soir I Rauques étaient les voix Des rainettes le soir, Là où l’eau du bassin, coulant sans bruit, Brillait dans l’herbe. L’absence de communication entre ses parents est une souffrance pour l’enfant qui rajoute en commentaire cette remarque : « Il sait que l’on peut naître de ces mots Â». » L’enfant, jusqu’alors fermé sur lui-même et sur sa propre subjectivité, sur ses leurres, semble gagné peu à peu par un tout autre état d’esprit, qui le rend sensible à l’espace que le train ouvre devant lui : « Il allait maintenant vers de grands nuages, debout là-bas, serrés… Â». Même énigmatique, même confrontée à ses insuffisances et à ses leurres, elle garde en elle sa force d’affirmation au monde. Le ventre protecteur de la barque Cette voix unique, inscrite dans le corps, qui relie le poète au monde et à lui-même, seule capable d’abolir l’écart entre le mot et la chose, cette voix est noyée soudain par « le bruit de fond qui est dans la nuit Â». Yves Bonnefoy est né à Tours le 24 juin 1923 d’une mère infirmière et d’un père ouvrier-monteur aux ateliers des chemins de fer. Le jeu de la polysémie entraîne un foisonnement d’images. Le dialogue sur la question du père est momentanément interrompu pour laisser la place à nouveau au rite du passage. La scène décrite ici est inversée par rapport à la scène du début du poème VII. Le premier lieu, le lieu de la barque et du fleuve, occupe la première laisse ; le second lieu et le troisième - maison et salle de classe - sont réunis dans la même laisse. Mais ils sont suffisamment éloignés l’un de l’autre pour que l’enfant éprouve le besoin de réduire la distance qui les sépare - distance réelle mais aussi symbolique -, peut-être pour surprendre une attitude inconnue de lui, un secret, un indice qui lui permette de répondre à la question : « Qui était-il, qui avait-il été dans la lumière ? La parenthèse du poème VII, qui insère l’étrange scène de la partie de cartes jouée entre le père et l’enfant, n’est pas sans évoquer les célèbres Tarots de Milan et de Ferrare. De s’adresser à elle, comme aux temps anciens où elle était honorée de « guirlandes de feuilles et de fruits Â», objet de culte et de gloire. notre ère – v. 17 apr. Non qu’il ne soit, lui aussi, comme homme et comme poète, au cœur de la tourmente. Par deux fois, le poète définit la poésie en négatif. Elle est une marque, une stèle dans le dialogue entre les deux personnages. S’adressant aux hommes, elle les enjoint à mettre leurs sens en éveil : « Regardez Â», « voyez Â», « Ã©coutez Â». Peut-être, alors, le grand enfant attentif trouvera-t-il, chez le passeur Yves Bonnefoy, des pistes de réponses. La proximité de « l’estuaire Â», « déjà Â», ne l’enchante pas. Le mot « planches Â» évoque la matérialité d’« une pièce de bois plane, plus longue que large Â» (Robert de la Langue française). 4. L’espace n’est plus celui, inquiétant, de la maison natale onirique, mais un espace mobile, tendu entre deux points, entre la nuit et le jour, entre un ciel déchiré par la foudre et un autre ciel éclatant de soleil. Mais le contenu de la parenthèse en est totalement différent. De même « des portes Â», dont le pluriel n’est pas défini. Composé d’une alternance de laisses et de strophes (huit en tout), le second volet du recueil est le lieu où se déclare l’art poétique du poète. Le premier recueil des Planches courbes se ferme sur les deux vers qui réaffirment la confiance du poète dans la poésie : « La première parole Â» peut advenir, « Le premier feu Â» peut prendre. • L’enfant charpentier (IV) Surpris sans doute de voir le jeune garçon hanter ces rivages cachés par les roseaux, le géant s’empresse de le questionner, sur un ton familier, l’appelant « mon petit Â». Et toujours, dans le même poème, la matière et d’autres matériaux nous sont donnés, associés à des odeurs : « le bois Â», « le goudron Â», « la colle Â» (page 87). 1. Le poète, qui a bu « avidement Â» à la coupe de la poésie, n’aurait-il pas lui aussi été dans l’excès ? Dans le Leurre des mots, La Maison natale, Les Planches courbes. Et trouver sa voix. Le poète aborde la poésie de manière détournée dans un premier temps, par une sorte de prétérition, en usant du conditionnel : « Je pourrais… dire ou tenter de dire Â» ; « Je pourrais m’écrier… Â». Implicitement, le bois s’impose, comme matériau d’origine. L’enfant tente d’y mettre de l’ordre, de lui trouver une logique : « Or, dans le même rêve Â» D’organiser les « images qui se sont accumulées Â» pendant son sommeil. Et si le poète reprend la légende du géant saint Christophe, telle que la raconte Jacques de Voragine (1225~1230-1298) dans La Légende Dorée, il faut se garder de conclure à une issue religieuse du conte. Construit en deux temps, Dans le leurre des mots constitue une ouverture. Cette évocation, pourtant archétypale, n’a pas d’écho dans la mémoire de l’enfant : « Je ne me souviens pas de cela non plus Â». La suite du récit est encore plus énigmatique. Qui se cache derrière le voile ?